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lundi 12 octobre 2015

Quelle est la contribution de la jeunesse guinéenne dans la consolidation de la paix et de la cohésion sociale surtout en ces périodes électorales?

La place qu’occupe la jeunesse dans la gouvernance d’un Etat est de plus en plus reconnue dans le monde. Le rôle de la jeunesse dans l’orientation des choix de développement d’un pays se matérialise à travers sa participation dans la gestion des affaires publiques. Le terme « politique de jeunesse » caractéristique du milieu politique désigne non seulement un engagement du gouvernement mais aussi un engagement actif des jeunes au sein de la communauté voire même au-delà de celle-ci pour aboutir à la construction de la nation et non plus seulement au développement de leur personnalité.

De ce fait, il convient de s’interroger sur la question à savoir quelle est la nature de l’engagement de la jeunesse guinéenne dans la consolidation de la paix et de la cohésion sociale notamment en cette période tendue ?

Pour rappel, dans la charte européenne révisée de la participation des jeunes à la vie locale et régionale, il est dit: « Participer à la vie démocratique d’une communauté quelle qu’elle soit, ce n’est pas seulement voter ou se présenter à des élections, bien qu’il s’agisse là d’éléments importants. Participer et être un citoyen actif, c’est avoir le droit, les  moyens, la place, la possibilité et, si nécessaire, le soutien voulu pour participer aux décisions, influer sur elles et s’engager dans des actions et activités de manière à contribuer à la construction d’une société meilleure ». [1] En effet, vu les réactions de la jeunesse guinéenne à chaque fois qu’il y a des manifestations (destruction de biens publics, conflits communautaires, harcèlement, etc.), elles nous laissent croire à un manque d’engagement dans des actions et activités de manière à contribuer à la construction d’une Guinée meilleure.

En se servant de l’échelle de participation des citoyens selon le degré d’influence sur la décision de Arnstein[2] (1969) nous nous rendons compte que la jeunesse guinéenne est à un niveau de non-participation dû à leur manipulation et instrumentalisation. Sherry R. Arnstein (1969). Arnstein suggère une échelle de la participation composée de huit échelons croissant selon le degré d’engagement des citoyens au processus décisionnel. Au bas de l’échelle (échelons 1 et 2) figurent la manipulation et la thérapie, deux approches que l’auteur catégorise comme de la « non-participation ». Aux échelons médians (échelons 3, 4 et 5), elle regroupe l’information, la consultation et la participation accessoire à des comités dans la catégorie « instrumentalisation » (tokenism). Au sommet de l’échelle (échelons 6, 7 et 8), se trouvent le partenariat, la délégation de pouvoir et le contrôle citoyen regroupés sous le vocable « pouvoir citoyen ». Elle retient que, plus la participation se situe en haut de l’échelle, plus les citoyens ont de l’assurance que leur opinion sera intégrée à la décision et appliquée dans l’intérêt des communautés. Mais hélas, en ce qui concerne la participation de la jeunesse guinéenne, elle paraît se situer en bas de l’échelle.

En effet, la jeunesse guinéenne a joué et continue de jouer un rôle majeur dans les manifestions que connait le pays. Cependant, ce rôle ne semble pas être basé sur la promotion de la paix. C’est pourquoi, nous avons dénoncé en 2008 le rôle des partis politiques dans l’instrumentalisation de ces derniers (Ethnocentrisme en République de Guinée). Cependant, le constat est qu’après des années, voire même des années avant la publication de cet article, le phénomène de la division du peuple prend de plus en plus de l’ampleur.

Les constats sur les événements que vit la Guinée actuellement sont très révélateurs du niveau de la conscience politique de sa jeunesse notamment en ces périodes électorales. La jeunesse est encore fortement politisée et reste très influencée par les partis politiques de tous bords. Par conséquent, le capital humain jeune sur lequel doit se focaliser le pays pour assurer le bien-être social de sa population est instrumentalisé. Ce fait est très dangereux dans la création d’une Nation en ce sens que plusieurs valeurs permettant de vivre ensemble comme l’engagement citoyen, les valeurs civique, la participation à la vie publique, le contrôle citoyen de l’action publique, la tolérance, la paix, le pardon, l’altruisme ont cédé le pas pour la défense des intérêts d’une minorité que celle de la majorité.

Cette dépendance d’un système qui ne favorise pas l’épanouissement des jeunes est plutôt un frein à son autonomie. La jeunesse constitue le poumon du développement de tout pays d’autant plus qu’elle constitue la force vive d’une nation. Après toutes les difficultés qu’a connues la Guinée, il importe que l’avenir du pays repose sur des jeunes plus consciencieux, plus responsables et vigoureux qui cherchent à dynamiser tous les secteurs de l’économie. C’est pourquoi, nous pensons que le développement de ce pays ne peut ignorer cette catégorie de population jeune.

Néanmoins, l’un des plus grands problèmes de cette jeunesse actuelle, est son faible degré de participation dans la gestion des affaires publiques du pays. Les jeunes peinent encore à s’organiser pour participer à la vie de la société et à la prise de décision  de façon responsable.
Ces manques d’organisation et de responsabilité doivent ils justifier ou encourager les jeunes à sortir dans les rues casser les biens publics ? Certainement NON !

Au moment où dans d’autres pays de la sous-région, nous assistons à des actions très salutaires de certains jeunes pour le développement de leur pays, il se trouve qu’en Guinée la solution pour se faire entendre est l’anarchie (casses, violences, morts, violations de droits humains, etc.). Bien qu’elle soit une façon pour se faire entendre, elle entrave le processus d’autonomisation de la jeunesse et biaise sa participation à la gouvernance démocratique en compromettant sa capacité à être un catalyseur du changement pour l’intérêt national. Les jeunes sont non seulement principaux acteurs de ces manifestations, mais seront également les premiers à subir ses conséquences éprouvantes qui vont porter atteinte à leur dynamisme, leur volonté de travailler pour le bien commun et le bien-être de tous.

C’est pourquoi, cet article se donne pour objectif de faire comprendre à la jeunesse guinéenne qu’elle sera gravement affecté en cas de crise ou de déstabilisation socio-politique.

De ce fait, elle doit s’engager dans un processus de réconciliation et de construction de la Guinée. Pour ce faire, elle doit avoir une participation politique responsable en tant qu’acteurs de cohésion sociale et de consolidation de la paix. Cela ne peut être possible qu’en valorisation son image à travers des activités collectives et solidaires (par exemple, la vie associative afin de contrôler les actions des gouvernants par le contrôle citoyen de l’action publique,  l’influence des décisions, la création de partenariats entre l’Etat et la société civile jeunes) tout en s’inscrivant dans un processus de réconciliation car elle seul  permettra aux guinéens de revivre dans la concorde et la quiétude.

La forme de manifestation actuelle de la participation de la jeunesse à  la consolidation de la paix et de la cohésion sociale en ces périodes électorales est source de destruction du tissu social guinéen déjà très fragile. C’est pourquoi, en tant que jeune se considérant comme un électeur stratégique, je sollicite une participation responsable de tous les jeunes au moment au plus notre pays a besoin de nous.
Les jeunes doivent :

     •se former à la culture de la non-violence pour être des acteurs de paix et de cohésion sociale
•extérioriser leurs potentialités afin de contribuer à la gestion des affaires publiques ;
•se former au contrôle citoyen de l’action publique ;
•développer des capacités à accompagner les autorités et les partenaires au développement dans leur processus ;
•être capables d’initier des actions dans le cadre de la gestion des affaires publiques ;
•s’approprier la stratégie jeune du gouvernement et des partenaires au développement afin de les critiquer de façon objective ;
•développer entre associations des synergies généralistes, thématiques ou géographiques ;
•se structurer à l’échelle locale, régionale et internationale ;
•nouer des partenariats sur des actions d’information, formations, recherches, échanges, plaidoyers, etc.

Cet article se limite uniquement aux jeunes parce qu’il note que ce sont les forces vives de la nation. Mais en même temps parce que ce sont eux qui sont dans les rues et aussi ceux qui peuvent utiliser leur carte d’électeur comme un moyen sure et efficace pour se faire entendre sans violence.

En outre, nous appelons à méditer sur cette citation qui dit souvent que participer à la consolidation de la paix, «implique forcément la vertu, la justice, la salubrité, la plénitude, la participation aux décisions, la bonté, le rire, la joie, la compassion, le partage et la réconciliation[3] »,
La vision de la jeunesse est-elle focaliser sur celle des partis politiques en Guinée ?

Mohamed kerfala KOMARA peut être joint à mkkomara@gmail.com



[1] Charte européenne révisée de la participation des jeunes à la vie locale et régionale. Préambule [En ligne] http://www.coe.int/t/dg4/youth/Source/Coe_youth/Participation/COE_charter_participation_fr.pdf (consulté le 11/10/15).
[2] Sherry R. Arnstein, A Ladder of Citizen Participation, Journal of the American Institute of Planners, p. 216-224
[3]abc-citations. Citations de Desmond Tutu  [En ligne] http://www.abc-citations.com/citations/desmond-tutu.php (Consulté le 11/10/15).